Faut-il distinguer de bonnes et de mauvaises images non plus à partir de leur contenu, puisque l'image du mal peut guérir, mais de la symbolisation qu'elles induisent ? Poser la question ainsi de comprendre pourquoi l'image de la vertu ne rend pas vertueux tout commme celle du crime ne rend pas criminel. Tout producteur d'images qui souhaite obtenir une réponse incontrôlable à une stimulation du désir utilise des images qui maintiennent le spectateur dans une inaptitude symbolique. Telle est la violence du visible aussi longtemps qu'il participe de dispositifs identificatoires et fusionnels. Voilà pourquoi mieux vaux distinguer au coeur du visuel les images des visibilités en fonction des stratégies qui assignent ou non le spectateur une place dont il peut bouger. Hors de tout mouvement, l'image se donne alors à consommer sur un mode communiel. La propagande et la publicité qui s'offrent à la consommation sans écart sont des machines à produire de la violence même lorsqu'elles vendent du bonheur ou de la vertu. La violence du visible n'a d'autre fondement que l'abolition intentionnelle ou non de la pensée et du jugement. Voilà pourquoi, face à l'émotion provoquée par les images, c'est-à-dire face au mouvement qu'elles provoquent, il est impératif d'analyser le régime passionnel qu'elles instaurent et la place qu'elles font à ceux à qui elles s'adressent. La critique de l'image est fondée sur une gestion politique des passions par la communauté. Elle ne devrait jamais être un tribunal d'épuration morale des contenus, qui mettrait fin à tout exercice de la liberté du regard.
L'image peut-elle tuer ? (2002) Marie José Mondzain