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duong tam kien

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Ce discours de Maeda faisant un discours flanqué d’une drôle de tunique (la deuxième partie) pour l’ouverture de l’année à la RISD me fait parfois regretter d’avoir eu un parcours uniquement universitaire. Je ne cherche pas à généraliser d’autant plus que je connais des exceptions. Il y a sûrement des présidents d’université française ou des directeurs de fillières qui font des discours poignant mais pour ma part, je n’y ai jamais eu le droit. Cela allait tout simplement d’une heure de présentation de la fillière et de ses options et des possibilités de voyages pimentée de remarques sur le faible taux de réussite en premières années à une tentative plus ou moins réussie de synthèse de la vie de la discipline sans prendre en compte les travaux personnels ni chercher à donner espoir dans le travail intellectuel. Pendant 7 années universitaires donc, je n’ai jamais entendu quelqu’un m’expliquer pourquoi nous réfléchissons, pourquoi nous consummons autant d’énergie, de papiers et d’encre. On ne nous a jamais parlé de notre place dans la société, ni même de notre rôle dans un éventuel futur.

Faut-il accuser le milieu universitaire et de la recherche française ? Faut-il accuser l’air de temps de ne plus contenir un mouvement intellectuel collectif ?

C’est comme si penser, c’était ne rien faire et que la pensée ne pouvait de toutes façons ne rien faire. Cette critique insidieuse s’institue dans le langage lui-même : être théorique, c’est prendre le risque de l’être trop voir de n’être que cela. Avoir une approche théorique, c’est se mettre en position où la pratique est quelque chose de supplémentaire ; comme si elle n’allait pas ensemble.

Chercher à mélanger pratique et théorique révèle de nouvelles questions, qui sont rarement poser en sciences humaines et sociales : est-ce qu’on peut créer pour prouver ? La théorie de l’autobiographie de Philippe Lejeune s’est ainsi retrouvée plusieurs fois pris à défaut par des créations littéraires en contre-preuve. Qu’en est-il de l’anthropologie : peut-on créer un système et l’étudier scientifiquement ? La question du réel peut rapidement être mise de côté, les images, installations et constructions artificielles sont bien réelles, elles ne sont simplement pas issus d’un processus accidentel non-intentionnel. Faut-il alors mettre de côté tout processus ou activité humaine démunie d’intentionnalité ?

C’est sur ces doutes, peut être étranges, que mes recherches ont gagné à mes yeux en intensité par l’investigation sur la simulation de sociétés artificielles et le rapport entre conception et création (graphique, architecturale, objectale, etc). La contre-partie à payer est une grande dispersion et une démarche décalée par rapport aux règles et la temporalité du monde de la recherche. On me demande ainsi souvent pourquoi je n’ai pas fai tel cursus ? Si je n’aurai pas préféré au final avoir un autre parcours ? JE préfère penser que non. Le parcours que j’ai pris à peut être ses faiblesses et ses détours donnent parfois le tourni mais je ne pense pas avoir perdu mon temps. Mon seul regret est peut être même d’avoir été trop rapide par moments.

Source : Lucas Morlot

Apprendre à penser la culture, à déformer les cadres pour mieux comprendre la socialisation et le langage, à modéliser des systèmes ou à réfléchir à la dimensionnalité d’un espace avant sa structure, tout cela permet de réfléchir par exemple à la géométrie. La géométrie selon son degré de complexité est le langage qui permet de comprendre et de résoudre des problématiques allant de l’agencement d’un plan de site aussi bien en tant que structure informationnelle que de support graphique répondant à un problème de navigation pour l’internaute qui navigue sur une carte visuelle et sémiotique. C’est également la géométrie qui est la base de toute tentative de construction générative de l’enveloppe d’un batiment jusqu’à sa division interne et l’occupation de l’espace par ses fonctions. Un peu par taquinerie, je dirais bien que l’architecture de l’information d’un site web est au moins aussi complexe que celle d’un batiment. On aura beau dire que l’information est une valeur mesurable, il n’existe encore aucun principe, même esthétique, permettant un jugement sur la qualité de son architecture.

Avoir passé du temps à parcourir les bibliothèques et nouer des relations intellectuels au gré de mes précédentes pérégrinations est une condition nécessaire pour pouvoir parler avec précision et de manière transversale sans tomber dans le flou des raisonnements métaphoriques ainsi que de la fascination pour l’élégance de certaines disciplines et/ou constructions théoriques. C’est le chemin que j’ai trouvé pour arriver au présent. La démarche peut sembler un peu ascétique mais il me semble que pour penser en faisant, il faut au moins essayer de comprendre les limites de ce qu’on appelle penser. Ce n’est que dans ce vertige qu’il est possible de voir ce qu’il ne reste plus qu’à faire.