cendres.net

duong tam kien

Du point de vue clinique, et pas seulement chez les religieuses, l'hystérie est la capacité à somatiser les expressions du langage ; dans une perspective philosophique, on pourrait dire que les hystériques sont des individus qui attendent, pour venir au monde, l'instant où ils peuvent sortir avec des jeux de langage surchauffés ; leur mode d'existence, c'est tout simplement la névrose métaphysique. Les hystériques, presque sans intermède ou après une longue phase de latence dans l'inaperçu, passent de l'utérus dans la maison du langage — ou dans la halle aux sons et aux grandes attitudes sonores. Dans le langage et le geste, ils veulent dépasser et effacer leur perdition pré-linguistique, le traumatisme de l'infans. De là peut-être leur capacité à pousser jusqu'à l'incandescence les expressions verbales dans leur propre corps. Or la figure linguistique qui allait devenir chez Catherine figure corporelle était une prière extrêment chargée de présupposés théologiques, où elle réclamait d'être vidée de ce qu'elle avait de personnel : d'une manière tout à fait conventionnelle, mais aussi avec une individualité émue, la jeune Siennoise avait demandé à son Seigneur de prendre tout ce qui lui appartenait en propre, dans son être intime. Elle réclamait , conformément aux très anciens jeux de langage de l'ascèse néoplatonicienne et monastique, de la défaire pratiquement de ses propres entrailles pour devenir vide, au sens physique et psychologique. Sa prière revient à désirer être vidée de toute réalité qui ne soit pas symbiose réussie. Depuis toujours, la mystique veut déblayer la zone intime et très remplie du soi, dont les contenus apaisent certes la faim hystérique, mais ne peuvent jamais la satisfaire. Le don de Catherine a donc pour sens de créer en elle un vide qui doit donner à l'Epoux mystique l'occasion de pratiquer une invasion plus profonde.

Bulles (p. 24), Peter Sloterdijk

En commencant Bulles, j’avais quelques appréhensions vis-à-vis de la promesse d’une relecture touchée par l’imagerie chrétienne. N’ayant ni eu une éducation, ni un background ancrés précisement dans cette culture, il est souvent facile de passer à côté de détails ou de subtilités liées à des métaphores ou des signes spéciaux. Bulles échappe à ce piège malgré l’omni-présence de la sémiologie chrétienne.

Je me suis souvent posé des questions sur ces embrasements métaphysiques qui arrivent à certains moments où l’incorporation se fait dans des états de tension rare. Comment l’esprit arrive-t-il à déformer toute la réalité au nom de quelques formes et où signes (la bulle, le re-voir, le pré-sentiment, etc) ? Autant les Fragments d’un discours amoureux de Barthes peuvent fournir un lexique, un vocabulaire, un système, Bulles propose une très forte ontologie de l’intime qui nous évitera peut être de s’éviter des explorations logorrhéiques.