cendres.net

duong tam kien

Du point de vue clinique, et pas seulement chez les religieuses, l'hystérie est la capacité à somatiser les expressions du langage ; dans une perspective philosophique, on pourrait dire que les hystériques sont des individus qui attendent, pour venir au monde, l'instant où ils peuvent sortir avec des jeux de langage surchauffés ; leur mode d'existence, c'est tout simplement la névrose métaphysique. Les hystériques, presque sans intermède ou après une longue phase de latence dans l'inaperçu, passent de l'utérus dans la maison du langage — ou dans la halle aux sons et aux grandes attitudes sonores. Dans le langage et le geste, ils veulent dépasser et effacer leur perdition pré-linguistique, le traumatisme de l'infans. De là peut-être leur capacité à pousser jusqu'à l'incandescence les expressions verbales dans leur propre corps. Or la figure linguistique qui allait devenir chez Catherine figure corporelle était une prière extrêment chargée de présupposés théologiques, où elle réclamait d'être vidée de ce qu'elle avait de personnel : d'une manière tout à fait conventionnelle, mais aussi avec une individualité émue, la jeune Siennoise avait demandé à son Seigneur de prendre tout ce qui lui appartenait en propre, dans son être intime. Elle réclamait , conformément aux très anciens jeux de langage de l'ascèse néoplatonicienne et monastique, de la défaire pratiquement de ses propres entrailles pour devenir vide, au sens physique et psychologique. Sa prière revient à désirer être vidée de toute réalité qui ne soit pas symbiose réussie. Depuis toujours, la mystique veut déblayer la zone intime et très remplie du soi, dont les contenus apaisent certes la faim hystérique, mais ne peuvent jamais la satisfaire. Le don de Catherine a donc pour sens de créer en elle un vide qui doit donner à l'Epoux mystique l'occasion de pratiquer une invasion plus profonde.

Bulles (p. 24), Peter Sloterdijk

En commencant Bulles, j’avais quelques appréhensions vis-à-vis de la promesse d’une relecture touchée par l’imagerie chrétienne. N’ayant ni eu une éducation, ni un background ancrés précisement dans cette culture, il est souvent facile de passer à côté de détails ou de subtilités liées à des métaphores ou des signes spéciaux. Bulles échappe à ce piège malgré l’omni-présence de la sémiologie chrétienne.

Je me suis souvent posé des questions sur ces embrasements métaphysiques qui arrivent à certains moments où l’incorporation se fait dans des états de tension rare. Comment l’esprit arrive-t-il à déformer toute la réalité au nom de quelques formes et où signes (la bulle, le re-voir, le pré-sentiment, etc) ? Autant les Fragments d’un discours amoureux de Barthes peuvent fournir un lexique, un vocabulaire, un système, Bulles propose une très forte ontologie de l’intime qui nous évitera peut être de s’éviter des explorations logorrhéiques.

Le langage n'est en fait pas une cage ; mais nous nous y encageons lorsque nous voulons à toute force en sortir. Nous transformons nous-même notre maison en prison en nous frappant obstinément la tête contre les murs, alors que nous pourrions y habiter normalement.

Dire et ne rien dire, J. Bouveresse

Répeter, c'est se comporter, mais par rapport à quelque chose d'unique ou de singulier, qui n'a pas de semblable ou d'équivalent. Et peut-être cette répétition comme conduite externe fait-elle écho pour son compte à une vibration plus secrète, à une répétition intérieure et plus profonde dans le singulier qui l'anime. La fête n'a pas d'autre paradoxe apparent : répéter un « irrecommençable ». Non pas ajouter une seconde et une troisième fois à la première, mais porter la première fois à la « nième » puissance. Sous ce rappport de la puissance, la répétition se renverse en s'intériorisant ; comme dit Péguy, ce n'est pas la fête de la Fédération qui commémore ou représente la prise de la Bastille, c'est la prise de la Bastille qui fête et qui répète à l'avance toutes les Fédérations ; ou c'est le premier nymphéa de Monet qui répète tous les autres. On oppose donc la généralité, comme une généralité du particulier, et la répétition comme universalité du singulier. On répète une oeuvre d'art comme singularité sans concept, et ce n'est pas par hasard qu'un poème doit être appris par coeur. La tête est l'organe des échanges, mais le coeur, l'organe amoureux de la répétition. (Il est vrai que la répétition concerne aussi la tête, mais précisément parce qu'elle en est la terreur ou le paradoxe.) Pius Servien distinguait le symbole d'égalité, et où chaque terme peut être remplacé par d'autres ; le langage lyrique, dont chaque terme, irremplaçable, ne peut être que répété. On peut toujours « représenter » la répétition comme une ressemblance extrême ou une équivalence parfaite. Mais, qu'on passe par degrés d'une chose à un autre n'empêche pas une différence de nature entre les deux choses.

(...)

Si la répétition est possible, elle est du miracle plutôt que de la loi. Elle est contre la loi : contre la forme semblable et le contenu équivalent de la loi. Si la répétition peut être trouvée, même dans la nature, c'est au nom d'une puissance qui s'affirme contre la loi, qui travaille sous les lois, peut-être supérieure aux lois. Si la répétition existe, elle exprime à la fois une singularité contre le général, une universalité contre le particulier, un remarquable contre l'ordinaire, une instantanéité contre la variation, une éternité contre la permanence. A tous égards, la répétition, c'est la transgression. Elle met en question la loi, elle en dénonce le caractère nominal ou général, au profit d'une réalité plus profonde et plus artiste.

Différence et répétition, Gilles Deleuze

Avec l’ami Gilles, j’avais jusque là essentiellement un rapport du type “je suis venu, j’ai lu, je suis pas revenu”. Cependant “Différence et répétition” me faisait les yeux doux parce que c’est devenu un thème central de la réflexion que l’on peut avoir en travaillant sur les patterns et la modélisation. Je l’ai feuilleté en vitesse et je reprend du temps pour aller plus calmement et en profondeur dans ce qui sonne déjà comme un de ces livres vers lesquels on fait un incessant retour (et me changera un peu de Wittgenstein et Goodman pour le coup).

Il y a plusieurs manières d'expérimenter, d'éprouver, de tester: chacune représente un dilemne quand à la nature secrète et cachée de la vérité. Parfois, en approchant l'horizon herméneutique des choses, l'expérience, l'épreuve, le test implique une forme de compréhension. Il est probable, même s'il faudra le vérifier, que la torture, l'esclavage, le zèle parricide, la surcharge épistémologique aient été sublimés dans des actes performatifs comme la prestation de servment, le jurement, l'accord contractuel – autant de rejetons historiques de l'obsession de l'épreuve. Il reste à examiner, cependant, si ces scènes sublimées de torture ont laissé des traces dans la manières dont nous agençons nos pratiques et nos institutions par rapport à la vérité – en se rappelant que le mot question, en français, signifie également torture. Que notre rapport à la pensée dépende du fait de poser des questions — et de la façon de le faire (Die Frage nach dem Sein, Was heisst denken ?) — signifie que le questionnement lui-même doit être soumis à la question. La généalogie de la question, issue de la torture et de l'épreuve, exige d'approfondir la question.

Test Drive. La passion de l'épreuve, Avital Ronell, p. 131

J’avoue que j’ai choisi cet extrait moins pour sa profondeur que pour donner un aperçu de la langue d’Avitall Ronell et sa capacité à articuler des questions transversales d’une façon à la fois inquiétante et élégante.

La musique parfaite pour faire du vélo est sans doute une question très personnelle. En ce qui me concerne, je ne supporte pas trop les chansons (contrairement aux promenades à pied) qui me donnent vraiment trop l’impression d’être dans une unité de sens lié aux paroles. Philip Glass et son instrumentalité sont pour l’instant le meilleur moyen de profiter de la ville et de son ambiance tout en savourant cette impression de glissement que l’on a parfois dans la ville.

The Photographer

Metamorphosis

Dancepieces

“Low” Symphony

Einstein on the beach

Les 3 moments kitsch où profiter de cette playlist

  • Le matin en allant au travail et qu’il y a un petit vent frais (faire attention à l’entrée dans la circulation)
  • Le soir un peu moite pour aller voir ses potes à l’autre bout de paris (se méfier des alentours de Gare de Lyon)
  • La nuit sous la pluie parce qu’il y a des amitiés qui sont comme ça (juste bien se changer pour ne pas attraper la crève)

Les 3 fiches à préparer si vous avez les mêmes amis que moi

  • WTF Ircam : 40 ans de Pierre Boulez ?
  • Steve Reich > Philip Glass ?
  • Pour ou contre une mort débile mais jeune et en musique.

Le vieil idéal scientifique de l' épistémè, l'idéal d'une connaissance absolument certaine et démontrable, s'est révélé être une idole. L'exigence d'objectivité scientifique rend inévitable que tout énoncé scientifique reste nécessairement et à jamais donné à titre d'essai. En effet un énoncé peut être corroboré, mais toute corroboration est relative à d'autres énoncés qui sont eux aussi proposés à titre d'essai. Ce n'est que dans nos expériences subjectives de conviction, dans notre confiance personnelle, que nous pouvons être absolument certains.

Avec l'idole de la certitude (qui inclut celle de la certitude imparfaite ou de probabilité) tombe l'une des défenses de l'obscurantisme, lequel met un obstacle sur la voie du progrès scientifique. Car l'hommage rendu à cette idole non seulement réprime l'audace de nos questions, mais en outre compromet la rigueur et l'honnêteté de nos tests. La conception érronée de la science se révèle dans la soif d'exactitude. Car ce qui fait l'homme de science, ce n'est pas la possession de connaissances, d'irréfutables vérités, mais la quête obstinée et audacieusement critique de la vérité ...

La science ne poursuit jamais l'objectif illusoire de rendre ses réponses définitives ou même probables. Elle s'achemine plutôt vers le but infini encore qu'accessible de toujours découvrir des problèmes nouveaux, plus profonds et plus généraux, et de soumettre ses réponses toujours provisoires, à des tests toujours renouvelés et toujours affinés.

La logique de la découverte scientifique, Karl Popper

Au pouvoir s'associe l'idée de quelque chose de proche, de présent. c'est une force, plus immédiate que la puissance. On le voit bien dans l'expression de pouvoir ou force physique, qui conviendra mieux pour désigner les degrés inférieurs, animaux, de la puissance. Dans le cas, par exemple, d'une proie dont on se saisit et qu'on porte à la bouche. Quand le pouvoir prendre sont temps, il devient puissance. Mais au moment de crise qui finit toujours par arriver, à l'instant irrévocable de la décision, il redevient pouvoir, force pure. La puissance est plus générale et plus vaste que le pouvoir, elle contient bien davantage, et elle n'est plus aussi dynamique. Elle est plus circonstanciée et a même un certain degré de patience.

Pouvoir et puissance, in Masse et Puissance, p.299, Elias Canetti

Après avoir visionné l’intervention de Bruce Sterling à la Fabrica (“Designing Processes Rather Than Art”), il me semble sa représentation du génératif est un peu limitative et éronnée et j’ai l’impression qu’il va falloir pinailler sur les mots avant qu’ils ne deviennent juste vide de sens. Je propose ici seulement une approche analytique de ce qui définit l’approche générative.

Si l’on croit Bruce Sterling qui partage un point de vue assez répandu, le design génératif apparaît dès lors qu’une création utilise les capacités calculatoires d’un ordinateur pour produire un objet inaccessible par l’intellect humain pur. Il y a là l’introduction d’un amalgame : les processus génératifs sont tributaires des nouvelles technologies pour accéder à de nouvelles formes plastiques et une plus grande maîtrise de l’environnement et des matériaux. Ce genre de vision du design génératif mettent donc généralement l’accent sur l’équilibre entre le mimétisme des stratégies morphogénétiques s’inspirant de la Nature et l’incapacité sans instrument de la main de l’homme à obtenir de tels résultats.

Il n’y a pas eu à attendre les ordinateurs pour accéder à des territoires épistémiques inaccessibles à l’homme dans son dénuement total.

L’échelle microscopique est inaccessible sans instrument à l’homme. Les odeurs ne sont toujours pas formalisables. Le temps ne peut être mesurer par l’homme sans outils : cela va de la mesure de la vitesse de la lumière à l’ombre projetée par un arbre. Ce dernier cas est intéressant et je vous conseille la lecture de l’article “if a tree casts a shadow is it telling the time ?” de Russ Abbott. Le landart est intéressant mais il me semble faussement génératif, ces oeuvres utilisent l’incertitude extrême d’échelle incorporant un grand nombre de systèmes mais il ne s’agit que d’utiliser les contraintes et les éléments plutôt que de penser la génération de quelque chose. La botanique, l’agriculture ou toute discipline portant sur la conception d’éco-systèmes sont peut être encore les meilleurs analogies à faire avec le design génératif.

La plupart des exemples proposés pour illustrer la complexité des objets finaux obtenus par un design génératif ne font souvent preuve que d’un niveau de détail requérant une habileté technique et une patience au dessus de la moyenne. Il est encore heureux que l’on demande à certains d’avoir plus d’imaginations que d’autres et savoir mieux exprimer visuellement leur idée. Dans ce genre de problématique, il ne faut pas se leurrer, ce n’est jamais l’ordinateur qui pense, il ne fait qu’assister, accélérer et détailler à l’extrême ce qu’un humain pourrait faire.

Il peut y avoir des cas de fraude. Je soupconne quelques chantres du génératif/computationnel/scripté de n’utiliser ces outils que comme support poétique et/ou métaphorique et/ou rhétorique.

Pour acquérir sa légimité, le design génératif doit acquérir une plateforme ou une infrastructure de partage et de co-opération ouverte autour des algorithmes et méthodes de modélisation et de simulation. Sans quoi le soupçon ironique de l’artificialité de l’artificiel subsistera. Il y a quelque chose de juste à dire que dans ce domaine les processus comptent plus que les objets finaux mais il est aussi important que ces processus soient transparents (ou au moins clairs). L’utilisation de formalisations informatiques permet justement cela, c’est ce qui fait sa force plus que l’exploitation des capacités de calcul. Des algorithmes simples à comprendre rendent le discours intelligible et sortent ainsi l’esthétique générative d’une sorte d’apologie littéraire du cyber et de la fascination pour la technique qui dénote souvent en arrière-fond une incompréhension. Tant qu’à se rapprocher de la science, autant prendre ce qui en fait sa force, la tournure intellectuelle impliquant la nécessité d’administrer des preuves et de validation des hypothèses par la rationalité et l’intelligibilité.

Histoire d’être constructif, voici une proposition pour définir les propriétés de l’approche générative :

  • Un processus génératif doit comporter une notion de croissance/culture (growing). – Cela se manifeste généralement sur la notion centrale de graine (seed). – Un design génératif est un design se concentrant sur la définition et la mise en place de développement d’un pattern ou d’une grammaire de patterns.
  • La composante probabiliste n’est pas obligatoire.
  • La dimension évolutionnaire est un degré de complexité supérieure.
  • La Nature n’est qu’une source d’inspiration. – Il est important de comprendre les stratégies déjà mises en place par d’autres “intelligences”. Par humilité et gain de temps. – L’extraction de ces stratégies permet une simplification où les contextes et tactiques superflues peuvent être soustraits. – Le challence pour les designers génératifs est d’améliorer ces processus ou de trouver de nouvelles logiques apportant de nouvelles propriétés.

Une incertitude soulevée est qu’une méthode de génération algorithmique peut donner les mêmes résultats qu’une méthode de calcul standard, comment faire la différence alors ? Est-ce seulement un cas de stylistique appliqué à l’algorithmie ?

Je suis particulièrement fan de la mise en forme des tags actuellement en place sur le site de Seed Magazine, un magazine incontournable pour tout geek un peu scientifique (Seed » Wired). Cela change pas mal du traitement habituel réservé à cette information : traditionnellement organisé en un petit tas un peu chaotique, un peu représentatif des mots-clés importants sur un site, rangé dans un coin à la va-vite et souvent inutiles ou sous exploitable par les utilisateurs.

Ce que j’aime ici est la permanence du tag dans la structure du site. Cet espace dédicacé par sa quasi-omniprésence posent ainsi un lien fort entre les différentes thématiques du site ; formant ainsi une colonne sur laquelle vient s’appuyer le sens du contenu d’une façon augmentée. Le traitement informationnel permet également une mise en avant du rapport entre le contenu d’une page et l’ensemble des pages. On voit souvent des listes “related”, des tags locaux mais rarement un système aussi élégant de recontextualisation des tags au sein de leur propre hétérogénéité. Cette mise en forme forte est contraignante par sa dimension mais elle démontre la pertinence de ce type d’information et de son importance à partir du moment où il existe une adéquation entre information locale et information globale. Ce qui fait encore plus plaisir est de voir que cela répond réellement à une intention expliquée par les webdesigners et les éditeurs du site.

seed2

exploding-a-theory-c2a7-seedmagazinecom_1238362479803

C’est bête, je ne pensais pas que cela me viendrait un jour à l’esprit mais au final, il faut l’avouer : j’ai une morale.

Après des années à avoir été intraitable et m’embrouiller avec ceux qui restaient parce que je pensais sincèrement que dans le monde des affaires humaines rien d’autres que les considérations individuelles ne justifiaient l’action collective. Il n’y a pas d’échelle supérieure nous imposant des actes de conduite. L’humanité est notre échelle pas quelque chose qui nous dépasse. A partir de cela, la morale ne compte pas, seule l’éthique a une vague importance comme apprentissage individuel de la conscience, la responsabilité, etc. Ce que je voulais dire par là est qu’il ne sert à rien de s’incliner face à quelqu’un pour trouver la sagesse ou bien comment vivre l’ordinaire, quelque soit la couleur ou l’apparence du clergé, la morale en tant que solution extérieur, intemporelle et immuable n’existe pas : la seule réponse à l’équation réunissant toutes les inconnus est l’individu qui est en son centre. Cela est loin d’excuser un égoïsme forcené, cela explique seulement qu’il ne sert à rien de se reposer autre chose que soit même pour justifier ses actes, ses choix et ses erreurs. Des plus banales aux plus risqués. L’inertie de l’ordinaire et le poids des traditions existent mais ce ne sont générales que des excuses pour rester enfermé et immobile. Petits coins de chaleur bien confortable, c’est toujours détestable quand quelqu’un s’en pare pour justifier un acte, pourquoi avouer ses propres faiblesses quand l’on peut accuser la lourdeur du monde. Le beau n’est que cette instance qui permet à quelqu’un de justifier une production par l’accord ou le petit plaisir sensoriel qu’il peut accorder par son adéquation à un code qui ne soucie guère de savoir si cela est bien.

Pourtant, au centre, il y a ces accumulations de patterns et d’habitudes qui construisent notre actualisation quotidienne. Comme dirait Christopher Alexander, il y a des patterns qui rendent les choses reliés vivantes et d’autres qui les mortifies. Si les envolées de Loos sur l’ornement peuvent laisser rêveur et faire sourire, les considérations de Kenya Hara dans “Designing Design” à propos de la philosophie derrière Muji, elles ne m’ont pas lâché depuis et je me demande si ce n’est pas cela qui m’a motivé à retourner du côté de la conception. C’est ici que le point est blessant. Depuis plusieurs mois, j’ai l’impression de vivre dans un monde où résonne ce besoin de simplicité par la maîtrise de la complexité par le perfectionnement des outils humains. Pour le bien commun, il est nécessaire que les personnes capables de prendre de décisions sur la production et la massification des objets qu’ils soient virtuels ou matériels aient en tête que quelque soit la popularité, tout cela a une incidence sur la mentalité globale et l’image forgée à travers la multitude de petites productions qui ne changeront rien individuellement mais seulement quand elles s’inscrivent dans une globalité. L’écologie du numérique permet de mettre de côté les questions du gâchis mais en aucun cas elle ne permet d’esquiver la question de l’utilité, du superflu, de la conformation et de l’inscription de notre monde à des éventualités indésirables.

C’est devenu quelque chose de semblable à une quête, une sorte de mission à laquelle répond de plus en plus de personnes et de questions dans le milieu. Si la rhétorique et la philosophie cynique m’avait laissé dans un état de blasement où l’incertitude était l’état de base de la poursuite de la vérité, la congruence entre Buckminster-Fuller, Sterling et Hara me donne une certitude qui se retrouve souvent mise à l’épreuve. Pourtant sans cet espoir et ce fragment de visibilité sur l’avenir, je ne douterais, je ne ferais qu’exécuter et cette impression qu’il y a en jeu autre chose qu’un jugement esthétique, que la participation à un mouvement artistique rend certaines attitudes moins souples. Cette sensation de rigidité et de tension, je suis très heureux de la ressentir car elle me permet de ressentir un sentiment de justesse et de nécessité. Cette morale basée sur la disparition de l’ornement, du superflu, de l’artifice et donc de l’apparence ne m’apporte ainsi réconfort, elle ne fait que me plonger dans cet état où l’on part déjà perdant contre une certitude afin de l’amener dans le plus de variations possibles et de la voir peut être un jour montrer ses limites.

Et comme il y en a au fond de la salle qui commencent à soupirer de me voir faire l’apologie encore une fois de la rigueur formelle (Muji, muji, muji), une petite vidéo de Dieter Rams, grand contributeur du design de chez Braun.

</embed>

La navigation horizontale se trouve une nouvelle fois mise en valeur pour ses qualités ergonomiques dans cette petite page web permettant de naviguer rapidement parmi une sélection de premières pages de journaux internationnaux. Imaginez maintenant la même chose mais en vertical, la perte de l’alignement et de la juxtaposition des headlines rendrait la lecture tout de suite moins intéressante.

Le petit plus est la navigation au clavier se déplacant de journal en journal plutôt que de seulement déplacer la fenêtre de quelques pixels est à comparer avec la naviguation au clavier de FFFound

Si vous zonez un peu dans les alentours de “Blind”:http://weareblind.fr vous aurez certainement remarqué sur twitter/facebook que nous avons mis en ligne la nouvelle peau de notre blog (d’inspiration) : “Condense”:http://condense.fr. Belle petite aventure de quelques jours et qui aura mobilisé quelques éléments de l’équipe. Modulo quelques nettoyages et neutralisations, le thème sera sans doute mis à dispo en licence libre.

condense-20090311

En refaisant les cotations du wireframe, je me disais que l’idée d’un traitement horizontal n’est pas novateur mais qu’il ne s’est pas jamais réellement développé notamment chez les concepteurs de maquettes web. Le modèle reste celui de la page de journal. Je ne pense qu’il y ait là une justification strictement utilitariste. Si l’invention du livre et de la reliure ont favorisé la verticalité de la page, il a parallèlement existé des rouleaux de toutes sortes qui allaient dans le sens orthogonal et le livre, quelque soit le sens d’écriture, continue à aller horizontalement. Dans l’autre direction, je ne connais que “Dwell”:http://http://www.dwell.com qui ait systématisé une utilisation verticalisante des deux pages continues pour un de leur numéro. Plus récemment, l’iphone, frontrow et une grande famille de carrousel remettent en jeux l’idée qu’on peut naviguer dans du contenu latéralement.

Ce qui m’étonnera encore pendant un moment je crois est que les technologies étaient déjà là. Réaliser proprement ce webdesign ne nécessitait qu’une arithmétique assez simple en calcul de grilles et de placement. Le premier script venu avec Processing ou de programmation graphique dépasse largement la complexité d’un tel template. Il y a pour ce template qu’un seul type d’équation : le calcul de largeur. La seule simplification possible est la factorisation des marges. Sans un bon framework comme jquery, le temps de développement aurait seulement été multiplié par deux, çad finalement toujours moins d’une semaine. Ces calculs ne sont finalement nécessaires que parce que le modèle de la page web actuel n’accepte pas un dépassement horizontal comme il le fait pour la verticalité. Le seul moyen pour obtenir cet effet est d’imposer la largeur des éléments contrairement à ce qui produit habituellement où l’on se contente d’empiler à l’envers des éléments sans se soucier de la hauteur finale.

Le frein ergonomique est plus présent. La plupart des souris à molettes (la molette se serait-elle répandue sans l’imposition du web ?) ne propose que deux directions haut et bas. La navigation avec une souris Apple ou un trackpad comprenant la gestuelle rend la navigation plus fluide mais peu d’utilisateurs ont ce support matériel.

La navigation horizontale reste quelque chose de rare, reste à déterminer si elle demande une gymnastique d’esprit pour la conception et/ou l’utilisation et ainsi s’il ne suffit pas de seulement d’un peu de travail collectif pour que cela devienne simplement banal et ouvrira ainsi une nouvelle dimension en webdesign, une nouvelle gamme de patterns, etc.

Comme toutes les avancées du web 2.0, je reste donc persuadé que le levier technologique est largement négligeable. Les frameworks et le modèle opensource favorisent le nombre de projets ainsi que l’autonomie des acteurs par une possibilité d’autodidactisme. Cependant le chargement asynchrone etc n’est pas nécessaire pour mettre en place un dispositif reposant sur l’intelligence collective. Linux est issu d’une intelligence collective mais ne concerne que des outils techniques. Rétrospectivement, la révolution 2.0 concerne bien plus la généralisation de systèmes de notation, de mutualisation, de partage et donc de rendre visible des faits collectifs et non-coordonnés que de savoir si une action recharge la page ou non, si cliquer sur un petit coeur le rend rouge en limitant le volume des transactions réseaux ou non. Au fond, la question n’a jamais été de mettre du javascript partout. Sur condense, il ne sert qu’à contre-balancer le paradigme de la page verticale et de la pagination. Derrière ce blog, il y a donc deux choses : 1. mélange des compétences (design d’interaction, architecture d’information, design visuel et réalisation technique) qui n’existaient pas avant et qui n’auraient pas de raison d’être en dehors de contexte, purement collectif donc, 2. mélange des goûts afin d’offrir une visibilité à un regard collectif hétéroclite, hétérogène, hétérodoxe tourné vers une plus grande image, pas dans sa dimension technique, ie sa taille, mais dans sa complexité. C’est ce qui fait toute la saveur d’une telle construction.